La « pente glissante » et le suicide assisté en Oregon

Un récent article d’opinion dans le National Post plaide contre la position du gouvernement fédéral canadien refusant le suicide médicalement assisté. L’auteur allègue plusieurs choses, mais il y a une allégation en particulier qui doit être abordée. Il dit que l’argument de « la pente glissante » est réfuté par 17 ans de suicide assisté légal en Oregon. Il explique qu’il n’existe pas de données démontrant des dérives. Ses déclarations ne sont pas exactes.

Aucune donnée adéquate

Le système de l’Oregon n’a pas été conçu pour exposer les problèmes. Dans une excellente analyse profonde, le Disability Rights Education & Defense Fund (DREDF) démontre que la collecte de données est minime, et qu’il y a un « manque flagrant de surveillance ». Ils soulignent que :

  • Les exigences d’établissement de rapports ne sont pas musclées — En théorie, la loi oblige les médecins à signaler les prescriptions de médicaments létaux, mais dans la pratique, il n’y a pas de pénalité pour ceux qui ne le font pas.
  • Pas de surveillance sur le manque de conformité — Bien qu’il y ait une obligation légale pour des rapports statistiques annuels, il n’y a pas de suivi quant à la sous-déclaration, à la non-conformité, ou aux abus. Les rapports annuels avisent que les chiffres sont basés sur « un système de notification pour les patients en phase terminale qui reçoivent légalement des prescriptions de médicaments létaux, et n’inclut pas les patients et les médecins qui agissent en dehors de la loi ».
  • Des questions importantes ne sont pas posées — Il est impossible d’obtenir une image fidèle de la situation en Oregon, car il manque beaucoup de renseignements. Il est impossible de savoir combien de demandes d’aide au suicide sont faites et combien ont été rejetées lorsque les données ne sont pas là. Les données pour les rapports annuels proviennent de questionnaires et d’entrevues téléphoniques menés auprès des médecins qui ont écrit des prescriptions létales. Les médecins qui auraient pu déconseiller l’aide au suicide, ou les psychiatres qui pourraient avoir évalué l’individu ne sont pas interrogés. Les infirmières, les familles et les amis des patients ne sont pas questionnés non plus. De plus, « la loi n’exige pas d’autopsie pour déterminer si les patients décédés étaient réellement en phase terminale ».
  • Il n’y a pas d’enquête sur les dérives — Bien que des cas d’abus ont été rapportés dans les médias ou documentés par d’autres personnes, l’État ne s’occupe pas de ces cas. Le public ne peut pas signaler les abus, car il n’existe pas de système de déclaration. En outre, l’État dit qu’il n’a ni les ressources ni le pouvoir d’enquêter sur les cas d’abus.
  • Les données sont détruites chaque année — Des employés de l’État ont reconnu que les données des rapports sous-jacents sont détruites chaque année. Il est donc impossible pour quiconque de vérifier l’exactitude des données ni d’en faire une analyse.

Théorie vs pratique du suicide médicalement assisté en Oregon

Dans un autre document DREDF contraste la théorie contre la pratique de l’aide médicale au suicide en Oregon (PDF).

6 mois à vivre

  • Plus du quart des médecins qui écrivent des prescriptions létales admettent qu’ils ne sont pas certains que le patient n’a que 6 mois à vivre.
  • Le nombre de jours entre la demande initiale et le décès est entre 15 à 466 jours.
  • 13 % des patients admis à l’hospice en sont sortis vivants. L’entrée à l’hospice en Oregon exige qu’il y ait un diagnostic de moins de 6 mois de survie.

Compétence mentale

  • Dans au moins un cas, le patient a été déclaré comme ayant « un manque de capacité » par un psychiatre et d’avoir une « déficience cognitive » par un psychologue, mais malgré cela, le médecin a tout de même  écrit une prescription mortelle.

Douleur insupportable

  • Aucun des premiers 208 suicides assistés en Oregon étaient dus à la douleur. Environ 20 % des patients ont rapporté qu’ils craignaient des douleurs futures.
  • En 2013, les trois principales raisons invoquées pour demander le suicide assisté étaient les suivants : la perte d’autonomie, la diminution de la capacité à participer aux activités de la vie quotidienne, et la perte de dignité.

« La pente glissante » est un vrai problème

Nous ne pouvons pas nous fier aux rapports officiels sur le suicide assisté en Oregon pour décrire fidèlement ce qui s’y est passé ces 17 dernières années. Nous ne pouvons pas ignorer les cas rapportés dans les médias. Nous ne pouvons tout simplement pas allègrement prétendre qu’il n’y a aucun risque au suicide médicalement assisté.

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