Une éthique propose une façon d’être et d’agir dans des contextes donnés afin de réaliser son propre bien et le bien d’autrui. Le plein épanouissement humain nécessite toujours des règles partagées ainsi que des vertus de caractère et des habitudes à développer.

Toute personne possède une dimension de fragilité et de vulnérabilité. Autour de cette dimension fondamentale s’est développée, dans les dernières décennies, ce qu’on a nommé une éthique du care, ou éthique de la sollicitude et du soin.

La philosophe Joan Tronto définit ainsi cette éthique du soin : « L’activité caractéristique de l’espèce humaine qui regroupe tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible…. Ce que nous cherchons à relier en un réseau de soutien à la vie. » (Un Monde vulnérable. Pour une politique du care).

Cette approche éthique est d’abord fondée sur l’attention aux détails de la vie des personnes et à leurs besoins spécifiques, afin de les soutenir par des réponses adaptées plus que systématiques. L’éthique du soin vise à donner à l’acte de soutien une dimension personnelle et non pas simplement technique (par ex. donner des médicaments). Pour ce faire, l’éthique du soin s’appuie sur la personnalité et le récit de vie du malade afin de reconstruire l’estime de soi, le sens de l’existence et les capacités de la personne à la suite de la maladie et de la souffrance.

Pour l’éthique du soin, la fragilité est une occasion de vivre sa vie de façon authentique, de se réconcilier avec les différents aspects de sa vie. Elle peut être le moment d’une prise de parole importante quant à sa propre vie et celle de ses proches. L’autonomie, dans ce contexte, est la capacité de construire un récit de vie significatif avec cette vulnérabilité (Paul Ricoeur).

Attention, responsabilité, compétence et capacité de réponse sont la grammaire de l’éthique du soin.

Le care possède quatre dimensions, selon la philosophe Joan Tronto (Un monde vulnérable. Pour une politique du care).

1) se soucier de : le soin nécessite avant toute l’attention envers les personnes et à leurs besoins. On reconnaît ici l’autre comme un égal qui pourrait avoir besoin de notre aide.

2) prendre soin : agir pour l’autre demande que l’on prenne sur soi sa condition fragile, que l’on accepte la responsabilité de son bien-être.

3) donner des soins : c’est le travail effectif du soin, qui consiste à faire certains gestes pour soulager, aider ou divertir. Ce travail demande des compétences particulières qui peuvent être développées avec le temps ou par une formation adéquate.

4) la réception du soin : la réussite de la relation de soin dépend de la capacité de réponse du bénéficiaire. Il faut aider l’autre à accueillir le soin à le mettant à l’aise. C’est aussi le moment de l’échange, où le soignant évolue personnellement grâce à cette relation.

1) Prise en charge : C’est le moment où une alliance entre le soignant et le soigné doit se former. Cette alliance débute par l’écoute du malade, par une attention particulière à la singularité de sa situation. De concert, le soignant et le soigné détermine la finalité des soins qui seront conférés. L’objectif est de créer une relation de confiance ainsi qu’une « narration  thérapeutique » (pourquoi? comment? dans quel but? selon quelle motivation?) qui contribuera à l’effectivité du soin.

2) Diagnostic : C’est le moment de l’agir scientifique où s’élabore le diagnostic à l’aide de mesures et d’outils techniques. La confiance étant établie, le patient est plus à même de se laisser examiner dans toute la complexité de sa situation. Il est aussi plus à même d’accueillir sereinement le diagnostic et ses conséquences. Cette étape est également celle de la formulation de règles pertinentes encadrant le traitement et la relation de soin (aspect déontologique).

3) Acte thérapeutique : À cette étape sont conférés les soins adaptés à la singularité du projet de soin du malade. On vise le rétablissement du pouvoir-être du malade et la reconstruction de son identité à travers le soin physique et le soutien psychologique. C’est le moment où les règles et le cadre de soin doivent être suppléés par une délibération constante sur les moyens adéquats pour atteindre le but. La bienveillance doit toujours accompagner l’expertise technique.

En construction.

Benaroyo, Lazare et al., La philosophie du soin, Paris : Presses Universitaires de France, 2010.

Mattingly, Cheryl, « The Concept of Therapeutic “Emplotment” », Social Science and Medicine, no 38, 1994.

Tronto, Joan, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris: Éditions La Découverte, 2009. 

Ricœur, Paul, « Les trois niveaux du jugement médical », Esprit, no 227, 1996, p. 21-33.