Voici une lettre ouverte et collective que nous cosignons avec neuf organismes québécois (liste ci-dessous). Comme elle n’a pas été publiée dans les quotidiens québécois, nous vous invitons à la partager largement dans vos réseaux.
Nous sommes reconnaissants à la station de radio montréalaise le 98.5 FM et aux artisans de l’émission La Commission d’avoir accepté de recevoir l’une des signataires de cette lettre, Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle, lors d’une entrevue qui aura lieu le jeudi 22 mai vers 14h.
Rappel de notre revue de presse dans ce dossier
https://vivredignite.org/derives-sur-nos-ondes-reaction-massive

Le 15 mai 2025, sur les ondes du 98,5 FM,
dans l’émission La Commission, les
propos tenus par l’animateur Luc Ferrandez et l’animatrice Nathalie Normandeau
ont dépassé le cadre de la controverse médiatique pour atteindre un niveau de
gravité inacceptable. Devant un large auditoire, ils ont laissé entendre que
l’euthanasie, renommée pour l’occasion « libération » ou « soins palliatifs »,
pourrait constituer une réponse « acceptable » au manque de services adaptés
pour les personnes en situation de handicap lourd.
S’appuyant sur le cas de
Florence, relayé dans les médias, ils ont insinué qu’il serait préférable de «
libérer le système de lourds fardeaux » en mettant fin à la vie de celles et
ceux qui n’ont pas accès à des ressources suffisantes. En l’absence de consentement,
ils ont même proposé que cette décision revienne aux proches ou à un soi-disant
« comité de sages ».
Ces propos ne sont ni maladroits
ni anodins. Ce sont des idées dangereuses. Elles déshumanisent, banalisent la
violence sociale et violent les droits les plus fondamentaux. Elles perpétuent
une logique validiste selon laquelle certaines vies seraient moins dignes
d’être vécues — voire indignes tout court.
Le 20 mai 2025, non seulement ces
propos n’ont pas été retirés, mais le
duo à l’animation a persisté et signé. Nathalie Normandeau et Luc Ferrandez
ont affirmé que les regroupements, les familles et les personnes concernées
auraient mal compris. Que la polémique reposerait sur une mauvaise
interprétation. Nous accueillons les excuses de Mme Normandeau et le souhait de
M. Ferrandez de poursuivre la conversation en privé, en promettant tous les
deux d’inviter des spécialistes pour approfondir le sujet. Pour les organismes
signataires de cette lettre, ce segment demeure une occasion manquée pour
reconnaître la portée de leurs paroles et de donner l’exemple aux autres
médias.
Nous ne pouvons pas rester
silencieuses et silencieux.
Derrière ces mots euphémisés,
nous reconnaissons une rhétorique que l’Histoire nous a tristement appris à
reconnaître. Parler de « libération » ou de « soins palliatifs » (alors que ces
soins ne provoquent jamais la mort) pour désigner une forme d’aide à mourir
ciblée de personnes vulnérables ne relève pas d’un simple débat d’idées. C’est
une incitation à la déshumanisation. C’est la normalisation d’un projet
d’élimination. C’est un écho glaçant à des politiques eugénistes ayant marqué
certains des chapitres les plus sombres de notre humanité.
Les associations que nous
représentons, les personnes concernées et leurs familles disent NON.
NON à l’acceptation résignée d’un
système qui abandonne les plus vulnérables.
NON à l’idée perverse selon laquelle certaines vies auraient moins de valeur.
NON à cette solution d’exception camouflée en compassion.
Nous rappelons que :
- L’article 1 de la Charte des droits et libertés de
la personne du Québec garantit à toute personne le droit à la vie, à la
sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.
- L’article 7 de la Charte canadienne des droits et
libertés stipule que chacune et chacun a droit à la vie, à la liberté et à
la sécurité de sa personne.
- Le Code de déontologie du Conseil canadien des
normes de la radiotélévision interdit tout contenu incitant à la haine, à
la discrimination ou à la déshumanisation.
Les personnes autistes ou ayant
une déficience intellectuelle ne sont ni des cas extrêmes ni des charges
sociales. Ce sont des êtres humains à part entière, avec une dignité, des
rêves, une voix. Leur existence enrichit nos communautés. Leur vie mérite d’être
vécue, accompagnée, soutenue. Leur réalité ne saurait justifier qu’on débatte
de leur élimination sur les ondes d’une radio grand public.
Elles n’ont pas besoin d’une
forme d’euthanasie. Elles ont besoin de soutien, de soins, d’un filet social
solide. Elles ont besoin qu’on croie en leur valeur humaine.
Nous réaffirmons avec force : la
vie humaine n’est pas une opinion.
C’est un droit. Inaliénable. Absolu. Universel.
Le Québec est capable de mieux. Il l’a déjà prouvé. Parce que Florence mérite mieux.
Et parce que nous aussi, comme société, nous méritons mieux.
Les signataires:
Lili Plourde, directrice générale de la Fédération
québécoise de l’autisme (FQA)
Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience
intellectuelle
Richard Guilmette, président et fondateur du Mouvement Citoyen Handicap-Québec
Dorian Keller, responsable communication et défense des droits – CRADI, comité
régional pour l’autisme et la déficience intellectuelle
Steven Laperrière, directeur général du Regroupement des activistes pour
l’inclusion au Québec (RAPLIQ)
Jasmin Lemieux-Lefebvre, coordonnateur, réseau citoyen Vivre
dans la Dignité
Jérôme Lizotte, responsable de la mobilisation Sans oublier le sourire
Jonathan Marchand, président de Coop ASSIST
Isabelle Tremblay, directrice de l’Alliance québécoise des regroupements
régionaux pour l’intégration des personnes handicapées
Delphine Ragon, coordonnatrice de Parents pour la déficience intellectuelle
(PARDI)
MAY
2025