Une confusion inouïe règne autour du cas de Vincent Lambert. Cet homme tétraplégique de 42 ans est depuis 2012 au centre d’une querelle judiciaire et médicale qui est devenue en France un symbole du débat autour de l’euthanasie. La récupération politique et le biais envers l’euthanasie (illégale en France) manifesté par plusieurs acteurs du dossier transforme un cas médical complexe en situation éthique tortueuse, néfaste pour le patient.
Rappelons les faits. Septembre 2008 : Vincent Lambert, 32 ans, est victime d’un accident de la route. À la sortie du coma, il se retrouve en état « pauci-relationnel » ou « état de conscience minimale plus », ce qui signifie qu’il respire naturellement, peut bouger la jambe gauche, suivre du regard et même faire des tentatives d’élocution. À l’aide des soins de kinésithérapie minimalement requis par l’État français dans un tel cas, sa situation s’améliore. En 2012, l’accord est donné pour que Vincent séjourne quelques jours dans la maison familiale.
Néanmoins, la même année, le médecin de Vincent Lambert, qui réside maintenant dans une unité de soins palliatifs, décide d’arrêter les soins de kinésithérapie. Plus tard dans l’année, le Centre hospitalier universitaire de Reims, avec l’accord de sa femme, entreprend un processus d’euthanasie par arrêt de la nutrition et de l’hydratation, sans que la famille n’en soit avertie. Mis au courant alors que l’euthanasie progressive a cours depuis plusieurs jours, les parents de Vincent Lambert saisissent un tribunal administratif qui ordonne l’arrêt immédiat de la procédure d’euthanasie.
S’en suit alors un processus judiciaire qui dure toujours, et dont la dernière volte-face a eu lieu le 20 mai dernier quand la Cour d’appel de Paris a ordonné l’arrêt d’une nouvelle procédure d’euthanasie entreprise par la femme et le demi-neveu de Vincent Lambert.
Le handicap n’est pas la fin de vie
Affirmer que Vincent Lambert est dans un état végétatif ou « sans conscience » est faux. On mesure d’ailleurs avec encore beaucoup de difficulté le niveau de conscience, qui est souvent sous-estimé. Les différentes expertises confirment que Vincent Lambert n’est pas un cas « d’acharnement thérapeutique ». Son handicap ne fait pas de lui une personne malade, ni en fin de vie, comme l’a rappelé dans cette affaire le Comité international des personnes handicapées de l’ONU.
Ce constat évident contraste avec les termes utilisés par les partisans de la mort pour Vincent Lambert. À les en croire, il faudrait « débrancher » celui qui n’est pourtant pas « branché ». Quant à la nutrition par sonde, il s’agit d’un dispositif facilitant l’alimentation d’un grand nombre de personnes pour différentes raisons, comme par exemple un cancer. Les soins prodigués à Vincent Lambert ne sont donc pas un traitement, mais la base de tout soutien qu’une société devrait donner aux personnes affaiblies qui en ont besoin : nourrir, donner à boire.
En d’autres mots, l’état de santé de Vincent Lambert est stable, connu des médecins, et peut même donner lieu à des améliorations importantes, comme en témoignent plusieurs autres cas similaires.
Les exigences de l’éthique, au-delà de l’activisme
L’éthique doit se fonder sur ce qui est, c’est-à-dire sur des distinctions factuelles. Dans les faits, rien ne dit que Vincent Lambert souffre, physiquement ou psychologiquement; la souffrance qu’on lui attribue est celle de bien portants qui se projettent dans sa situation sans la vivre réellement. Dans les faits, Vincent Lambert n’est pas dans un état végétatif, mais pauci-relationnel : il ouvre les yeux, il respire naturellement, il est conscient, il peut avoir des interactions, même si minimales. Une distinction qui n’est pas qu’une simple nuance! Et dans les faits, on ne peut aucunement être certain que son état de santé ne s’améliorera pas.
Or Vincent Lambert ne reçoit actuellement pas les soins qui permettraient une telle amélioration. La saga judiciaire qui l’entoure est significative de ce qu’introduisent dans les mentalités les législations favorables à l’euthanasie : une personne dépendante, affaiblie, qui ne peut pas jouir de l’activité de la moyenne des gens, devrait mourir. On tend alors à faire davantage confiance à la mort qu’à la vie, malgré les innombrables exemples de la force extraordinaire de celle-ci et du bonheur reconquis des personnes handicapées ou gravement malades.
Vincent Lambert pourrait aujourd’hui être accueilli dans une maison spécialisée, recevoir les soins que requiert son état et jouir de la visite régulière de sa famille et de ses proches. Prendre ainsi soin d’une personne, aussi handicapée puisse-t-elle être, c’est rendre hommage à la dignité humaine. C’est aussi donner à Vincent et à ses proches l’occasion de vivre des moments précieux de partage, d’amour et éventuellement de joie.
ShareMAY
2019