Seconde analyse du rapport quinquennal de la Commission sur les soins de fin de vie
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Montréal, 28 février 2025 – Après avoir abordé dans
un premier communiqué la section relative aux soins palliatifs du « Rapport sur la situation des soins de fin de vie au Québec 2018-2023 », Vivre dans la Dignité (VDD) s’intéresse aujourd’hui à celle portant sur l’aide médicale à mourir (AMM). Cette communication n’a pas pour objectif de résumer le travail colossal de la Commission sur les soins de fin de vie, mais de mettre l’accent sur certains points chers au réseau citoyen qui ont échappé à la couverture médiatique à ce jour. Ces citations parlent d’elles-mêmes.
Révélation inédite sur la proportion de décès par AMM pour chaque type de maladie grave et incurable
« Si la proportion globale de décès par AMM est de 6,2 % en 2022, cette proportion varie grandement pour chaque maladie. Pour les cancers les plus fréquents, les taux ont varié de 13,8 % à 17,2 %; pour les personnes atteintes des maladies neurologiques ou neurodégénératives les plus fréquentes (maladie de Parkinson, sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique), le taux a varié de 24,5 % à 41,9 %… » (p. 26).
Crainte que l’AMM remplace la « mort naturelle » chez certaines personnes aînées
« Il persiste cependant pour certains, y compris certains commissaires, une inquiétude que l’AMM remplace la « mort naturelle » chez des personnes aînées qui, devant une perte d’autonomie progressive, choisissent de demander l’AMM plutôt que de vivre dans des conditions qu’elles jugent intolérables. Comme la Commission l’a déjà rappelé dans un communiqué aux prestataires, le grand âge, même s’il s’accompagne d’une perte d’autonomie importante, ne peut pas être considéré comme une maladie grave et incurable rendant admissible à l’AMM. » (p. 62).
Rappel que diverses conditions liées au grand âge, telles que le syndrome de glissement ou la fragilité, ne sont pas
admissibles à l’AMM au Québec
« Les différences entre le Québec et le Canada pourraient s’expliquer par l’interprétation plus large du critère de maladie grave et incurable et l’inclusion des affections graves et incurables dans les autres provinces. Cela rend donc admissibles des personnes âgées de 90 ans et plus présentant diverses conditions liées au grand âge, telles que le syndrome de glissement ou la fragilité, qui ne sont pas au Québec considérées comme des maladies graves et incurables admissibles à l’AMM. » (p.56).
Le délai d’un jour ou moins entre la demande et l’administration de l’AMM est rare, mais il existe
« Un délai d’un jour ou moins entre la demande et l’administration de l’AMM a été rapporté dans 3,6 % (514/14 417) des formulaires des AMM administrées entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2023. » (p. 41).
Durant la période étudiée, 1 138 personnes ont retiré leur demande ou changé d’avis
« Les principaux motifs de la non-administration de l’AMM chez les personnes qui n’ont pas été évaluées par un médecin ayant accepté de prendre en charge leur demande sont les suivantes: les personnes sont décédées (50,0 %), elles ont retiré leur demande (22,7 %) ou elles ne répondaient pas aux conditions d’admissibilité (13,6 %). » (p. 83).
Vignettes d’AMM jugées non conformes par la Commission, très éclairantes
Nombreux exemples en pp. 70-76 concernant « la fragilité liée à l’âge, une trajectoire de mort naturelle avec plusieurs petites maladies, l’obésité morbide avec comorbidités mineures, la fibromyalgie, des symptômes divers sans diagnostic », etc.
Remarques complémentaires de Vivre dans la Dignité
Différence
dans la définition des pentes glissantes de l’AMM
Dans le rapport, la Commission présente sa définition du terme pente glissante : « sans que les critères d’admissibilité soient modifiés dans la Loi, (une) interprétation de plus en plus libérale » permettant l’AMM à des personnes qui, au départ, n’auraient pas été admissibles à la recevoir (p. 61).
Notre définition de pentes glissantes englobe aussi les changements législatifs qui ont mené à ce que l’AMM ne soit
« plus un soin d’exception » (p. 54). En ce sens, elle reprend les constats exprimés par plusieurs intervenants dans le 4e épisode du balado La mort libre de ICI Radio-Canada, « Les pentes glissantes de l’aide médicale à mourir ».
Un an jour pour jour après la tenue à Paris de la Rencontre internationale sur la fin de vie, VDD observe toujours des formes de pentes glissantes dans chacune des juridictions qui ont ouvert la voie à une forme ou à une autre d’euthanasie ou de suicide assisté. Que l’on soit pour ou contre ce geste que certains présentent comme un « droit individuel », il n’est jamais sans conséquence sur la famille, les soignants et les personnes contraintes à l’envisager.
VDD déplore la hausse exponentielle de l’accès à l’AMM durant la période étudiée (augmentation annuelle moyenne de 41 %). Elle n’a aucune commune mesure avec les hausses observées ailleurs sur la planète.
Données socio-démographiques et socio-économiques à approfondir
Depuis son 5e rapport annuel sur l’aide médicale à mourir au Canada, 2023, Santé Canada offre plus de données socio-démographiques (exemple, p. 57 « 9 619 des 15 343 personnes qui ont reçu l’AMM ont répondu à cette question, et la grande majorité d’entre elles (95,8 %) se sont identifiées comme des personnes blanches (caucasiennes) »).
La Commission aborde la question autochtone et socioculturelle rapidement : « Dans les territoires de communautés autochtones, il n’y a pratiquement pas de demande d’AMM et aucune n’est rapportée par les établissements de ces régions. Le même constat est fait pour d’autres communautés socioculturelles de certains territoires. » (p.109).
Il serait intéressant d’approfondir les raisons qui expliquent cette différence de choix.
L’addendum au rapport (L’éthique de l’AMM au Québec : réflexions sur une décennie de délibérations) par Eugene Bereza et Véronique Fraser, aborde aussi l’enjeu des facteurs socio-économiques contribuant à la souffrance. « Est-il éthiquement acceptable que la pauvreté, l’isolement social, le refus d’aller à un CHSLD ou le manque d’accès aux soins soient des facteurs qui contribuent de manière significative à l’expérience subjective de souffrance intolérable d’une personne et conduisent à la demande d’AMM? » (p. 122).
VDD partage leur questionnement.
Les grandes variations entre les 32 établissements restent inexpliquées
Variation du simple « au triple dans les établissements pour les taux de soins palliatifs et de fin de vie et d’AMM (…) Pour la sédation palliative continue (SPC), c’est plutôt une variation du simple au quintuple » (p. 112).
Selon la Commission, « Il faut s’abstenir de tirer des conclusions hâtives concernant les établissements en se basant sur les variations du taux des trois soins de fin de vie. Rien dans ce rapport ne permet de conclure à une iniquité interrégionale ou interétablissements. » Elle ajoute que « là où il y a plus de soins palliatifs et de fin de vie (SPFV), il y a aussi plus de SPC et plus d’AMM. »
Tel que souligné dans notre premier communiqué, nous en savons bien peu sur le type de soins palliatifs offerts (grande différence entre une approche uniquement pharmacologique sur le tard vs des soins palliatifs complets en amont). Par ses contacts sur le terrain, VDD estime toujours que l’approche québécoise du « continuum de soins » nuit au développement des soins palliatifs. Les variations, tels que les taux d’accès à l’aide médicale à mourir allant de de 10,4% (Lanaudière), 9,7%
(Québec), 7,5% (Estrie), 5,2% (Outaouais) à 4,6% (Montréal) en 2022-2023 (voir Tableau C2 des annexes), devrait nous faire réfléchir sur l’offre de services en fin de vie aux quatre coins de la province. Comme la Commission, nous espérons que les travaux du Consortium interdisciplinaire de recherche sur l’aide médicale à mourir (CIRAMM) y contribueront.
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FEB
2025