Sauter aux conclusions avec des données partielles

Au cours du mois de juillet, certains médias ont annoncé avec assurance et ardeur que les demandes d'euthanasie avaient diminuées durant les 6 derniers mois au Québec. Selon leur analyse, cette diminution s'avérerait contraire à la tendance observée dans les pays qui ont légalisé la mort sur commande avant nous. Mais est-ce bien exact? Pas tout à fait, non. Plusieurs points sont à préciser et à corriger dans ces affirmations à la va-vite.

Tout d'abord, les données disponibles sont encore partielles: seuls 20 des 28 établissements ont publié leurs données jusqu'ici. C'est donc dire que les 373 demandes recensées jusqu'à maintenant pour les mois de décembre 2016 à juin 2017 pourraient éventuellement dépasser les 389 demandes recensées dans les six mois précédents. À ce stade-ci, ce qui aurait été important de soulever, c'est la lenteur de certains établissements qui ne semblent pas pressés de publier leurs données au moment pourtant fixé par la loi...

Ensuite, il faut savoir que d'autres pays ont eu une expérience similaire à celle du Québec dans les premiers temps de leur loi autorisant l'euthanasie ou le suicide assisté.  Ainsi, il aura fallu attendre 4 ans pour que le rythme de croissance s'installe de façon permanente aux Pays-Bas. Du côté de l'Oregon (États-Unis), les 8 premières années auront connues des soubresauts avant que le rythme de croisière s'installe de façon permanente. C'est donc dire que le parcours du Québec n'est pas un cas isolé ni une anomalie par rapport aux autres pays qui ont légalisé l'euthanasie ou le suicide assisté avant nous. Le temps finira par dessiner ici la même courbe qu'ailleurs, c'est-à-dire une croissance soutenue et même exponentielle du nombre de demandes et de décès par euthanasie ou suicide assisté.

Finalement, les médias font grands cas du fait que l'euthanasie soit plus souvent accordée en région éloignée qu'à Montréal. Selon eux, il vaut mieux vivre en région pour avoir plus de chances de mourir par euthanasie... Pourtant, au lieu d'être obsédés par leur lubie d'admissibilité, il serait préférable qu'ils posent une question plus essentielle: est-ce que les personnes vivant en région éloignée ont accès aux mêmes soins qui sont offerts à Montréal?

Par ailleurs, le mois de juillet a encore regorgé d'exemples de dérives liées à l'euthanasie et au suicide assisté, ces cancers que nous avons laissés entrer dans notre système de santé. Ainsi, le cas de M. Cadotte, accusé d'avoir tué sa femme atteinte d'Alzheimer, est en train de devenir un plaidoyer pour qu'on étende l'euthanasie aux personnes qui ne sont plus aptes à exprimer leur consentement au moment de leur mise à mort.

Aussi, au Labrador, les médias ont rapporté l'histoire d'une mère dont le médecin a suggéré l'euthanasie pour sa fille vivant avec un handicap, la traitant « d'égoïste » après qu'elle ait refusé.

Finalement, le suicide d'une femme qui a placé sa voiture devant un train en marche parce qu'elle craignait de perdre son autonomie et d'être un fardeau pour son entourage a été présenté comme un nouveau cas qui montre que les critères d'euthanasie devraient être élargis: « Plutôt que de vivre comme ça, aux crochets de la société, je la comprends très bien », a expliqué une des filles de la victime...

Devant cette hystérie qui fait la promotion du suicide comme solution à la souffrance (en autant que ce soit fait par un médecin en blouse blanche), il apparaît de plus en plus urgent de faire entendre la voix des personnes qui veulent bâtir une société d'entraide plutôt qu'une société qui facilite le chemin du suicide aux personnes qui ont besoin d'aide.

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