Il n’y a pas de consensus sur l’euthanasie au Québec

Le Devoir rapportait mercredi que le nouveau Premier ministre du Québec, M. Philippe Couillard, réintroduira  rapidement le projet de loi 52 sur la fin vie qui, selon lui  «  est un exemple rare de consensus ». De quel consensus parle-t-il? Il n’y a consensus ni dans son parti ni parmi les médecins. Il n’y a pas non plus  consensus parmi  les personnes en situation de handicap. Pas plus qu’il  n’y a  d’accord unanime au sein de  la population québécoise. Aucun consensus non plus  parmi les groupes qui ont déposé leur mémoire lors des consultations particulières en 2013 ou durant  la Commission spéciale en 2010.

Pas de consensus politique

Monsieur Couillard ne semble pas se rappeler  la division qui régnait au sein du caucus libéral, l’automne dernier, en ce qui a trait à  « l’aide médicale à mourir ».  Pourtant, plus de la moitié des députés libéraux avaient voté contre l’adoption de  principe du Projet de loi 52, le 29 octobre 2013. En effet, 25 des 49 députés du Parti  Libéral s’étaient alors opposés à ce projet de loi.

Pas de consensus médical

Le Collège des Médecins du Québec donne l’impression que les médecins appuient le Projet de loi 52, mais le Collège n’a pas consulté ses membres avant de se prononcer en faveur de ce projet de loi.

Si  les médecins s’accordent pour dire qu’il  faut améliorer les soins de fin de vie, entre autres par le biais des soins palliatifs,  ils ne s’entendent pas sur la question de  « l’aide médicale à mourir », qui est de l’euthanasie déguisée.  Plus de 500 médecins du Québec sont devenus membres du Collectif des médecins contre l’euthanasie. Ces médecins  travaillent en première ligne, soignent les patients et  connaissent la situation vécue sur le terrain. Ils sont les premiers à affirmer que  « ce serait une erreur catastrophique de légaliser l’euthanasie au Québec », comme l’a si bien  résumé le Dr Balfour Mount, fondateur des soins palliatifs en Amérique du Nord. À sa suite, 90 % des spécialistes en soins palliatifs s’opposent à la pratique de « l’aide médicale à mourir ».

Pas de consensus parmi  les personnes en situation de handicap

Les personnes en situation de handicap sont particulièrement  vulnérables aux risques posés par le Projet de loi 52. La moitié des quatre groupes représentant les personnes en situation de handicap se sont prononcés contre la légalisation de « l’aide médicale à mourir ». Cela démontre bien l’absence de consensus. Il est important  de souligner que tous les plus grands groupes de défense des droits des personnes en situation de handicap en Amérique du Nord s’opposent à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.

Pas de consensus au sein de  la population

On ne peut parler d’accord unanime que lorsque les gens comprennent bien ce sur quoi ils se prononcent. Or, un  sondage Ipsos révélait en septembre 2013  que 70 % des Québécois ne comprennent pas que « l’aide médicale à mourir » signifie l’injection d’un poison qui cause rapidement la mort.

N’oublions pas les milliers de citoyens qui ont exprimé leur opposition en signant  le Manifeste de Vivre dans la Dignité ou en appuyant  celui du Collectif des médecins contre l’euthanasie. En tout, on parle ici de plus de 17 000 personnes. Peut-on sérieusement parler de consensus?...

Même s’il existait  un plus grand accord populaire sur cette question, le résultat des récentes élections  montre bien qu’il est très risqué de gouverner en se basant sur les sondages.

Pas de consensus dans les mémoires

En 2010, 60 % des mémoires et des présentations orales durant la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité (CSQMD) étaient contre l’euthanasie et le suicide assisté. En 2013, il n’y avait pas consensus non plus lors des Consultations particulières et des auditions publiques sur le Projet de loi 52 devant la Commission de la santé et des services sociaux (CSSC). En fait, 26 % des mémoires étaient carrément contre le projet de loi et 17 % refusaient de se prononcer sur la question de « l’aide médicale à mourir ». En somme,  45 % des groupes et des  personnes n’appuyaient pas « l’aide médicale à mourir ».

Ces chiffres montrent bien qu’il n’y a définitivement pas de consensus pour légaliser l’euthanasie au Québec! M. Couillard promet la collaboration et l’unité. Mais une éventuelle  adoption du Projet de loi 52 entraînerait une division profonde au sein de son parti, dans la profession médicale et dans les relations fédérales-provinciales.

Le vrai consensus

Le seul vrai consensus est celui entourant la nécessité  d’améliorer les soins de fin de vie.  Si le gouvernement insiste pour adopter une loi sur les soins de fin de vie, et s’il veut  préserver ce consensus tout en travaillant dans un esprit de collaboration et d’unité, il devrait déposer un projet de loi pour améliorer les soins palliatifs. Sans y inclure « l’aide médicale à mourir », évidemment.

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