Lettre ouverte: Autonomie, dignité et le nouveau projet de loi sur l’aide à mourir

Nous avons partagé le 9 octobre 2020 une lettre ouverte à tous les quotidiens québécois qui offrent une tribune d’opinion. Comme aucun n’a discerné de la publier, nous la diffusons ci-dessous et via nos réseaux sociaux.

Nous vous encourageons fortement à contacter vos médias préférées (lettres, commentaires, etc.). Le volume des communications pourra éventuellement les encourager à donner la parole aux voix discordantes en ce qui a trait au projet de loi C-7. 



Autonomie, dignité et le nouveau
projet de loi sur l’aide à mourir

Ce lundi 5 octobre, un nouveau projet de loi C-7 élargissant l’accès à l’aide médicale à mourir a été déposé par le gouvernement fédéral. C’est en fait le même que celui introduit en février dernier, mort au feuilleton avec la récente prorogation du Parlement canadien.

Une pandémie mondiale sépare février d’octobre 2020. Au cours des derniers mois, nous avons vécu une prise de conscience collective sur l’importance de protéger les personnes les plus vulnérables. Alors que la détresse psychologique semble en augmentation partout au pays, nous nous apprêtons à ouvrir l’accès à l’euthanasie à des personnes malades ou vivant avec un handicap grave et incurable.

Même si les projecteurs sont évidemment braqués sur la lutte à la COVID-19, nous croyons essentiel de rappeler que ce projet de loi est loin de faire l’unanimité pour de multiples raisons.

Pour les personnes dont « la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible », un délai de réflexion de 90 jours serait exigé avant d’obtenir l’aide à mourir. Durant cette période, le patient devra être informé des soins qui pourraient lui être offert pour soulager sa souffrance, mais il n’y a aucune obligation à ce que ces soins lui soient vraiment accessibles. La crise sanitaire des derniers mois nous a rappelé que nous peinons à offrir des soins appropriés pour toutes les populations vulnérables. Nous craignons que plusieurs des personnes qui opteront pour l’aide à mourir le feront en raison de notre incapacité à les accompagner adéquatement dans leur détresse. Un exemple parmi tant d’autres : les personnes vivant avec un handicap survenu après un accident. Pour ce groupe, il est bien connu que cela prend des années avant que leur taux de suicide retombe à celui de la population en général. Croyons-nous vraiment qu’un délai de trois mois s’avère suffisant pour traverser une période de désespoir?

La porte que nous sommes en voie d’ouvrir affectera une partie importante de la population, dont tous ceux et celles atteints d’une maladie chronique (poumons, cœur, reins, diabète, conditions neurologiques, arthrose). Pour les soigner efficacement et dignement, des ressources importantes devraient être mobilisées bien avant de penser leur offrir une mort provoquée.

Même si nous nous réjouissons que la maladie mentale seule ne serait pas un critère suffisant pour accéder à l’aide médicale à mourir, plusieurs personnes ont à la fois des troubles physiques et psychiques. Dans ces cas plus fréquents que l’on peut l’imaginer, il sera très difficile de discerner si la souffrance invoquée touche plus le corps que l’esprit.

Le projet de loi C-7 aborde aussi la question de l’aide médicale à mourir pour les personnes en fin de vie en retirant deux balises importantes. Le délai de 10 jours avant d’obtenir l’aide médicale à mourir permettait à plusieurs de pouvoir changer d’avis : il disparaitrait. Le consentement final avant l’injection létale ne serait lui aussi plus requis. Sachant que les balises actuelles n’ont pas toujours été respectées selon les divers rapports officiels (sans effets disciplinaires contre les médecins contrevenants), le retrait de deux d’entre elles nous préoccupe grandement.

Tous ces détails méritent d’être connus par la population.

Autonomie = dignité?

À certains moments de notre vie, nous pouvons vivre une vulnérabilité extrême. Elle change notre façon de voir notre présent et notre futur. Nous devons mettre de l’avant des conditions gagnantes pour permettre de redonner un sens à la vie à ceux et celles qui l’ont perdu, souvent temporairement. Rappelons-le, les restrictions de la qualité de la vie physique n’impliquent pas forcément une diminution de notre qualité de vie totale, personnelle, intérieure et relationnelle.

Ce projet législatif, comme ceux qui ont pavé la voie à l’euthanasie au pays, donne l’impression que l’autonomie est synonyme de dignité indépendamment des liens sociaux.

En procurant l’aide médicale à mourir à la personne qui en fait la demande, on respecterait soi-disant sa dignité. C’est pourtant l’amour qui est source de dignité, pas la mort.

Comme plusieurs, nous aurions bien sûr préféré que nos décideurs politiques puissent en appeler de la décision de la Cour supérieure du Québec qui retire le critère de fin de vie pour obtenir l’aide médicale à mourir.

L’obligation d’y répondre d’ici le 18 décembre prochain ne devrait pas empêcher nos élus fédéraux d’amender significativement le projet de loi C-7, pour notre bien collectif et celui des plus vulnérables.

Dr Paola Diadori
Réseau citoyen Vivre dans la Dignité

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