Par Patrick Vinay, M.D., Ph.D, président de Vivre dans la Dignité
L’arrivée
souvent brutale de la maladie vient secouer violemment
l’ex-bien-portant immortel qui voit son paysage familier se transformer.
Le choc est parfois brutal. « Je ne suis pas immortel! Je n’ai pas eu le
temps! J’ai gaspillé des précieux moments de vie. Je n’aurai pas le
temps de dire, de faire… » Avec les transformations physiques, les
endorphines basses, la douleur,
la dépression, la dépendance, il vit avec une image de
soi dévalorisante. Il tire le drap sur sa tête. Il cherche du sens à un
présent qui ne prépare plus de futur pour lui. Les priorités négligées
de sa vie deviennent urgentes.
C’est là que
les soins palliatifs s’impliquent, pour restaurer le confort physique
d’abord et pour permettre ainsi les rencontres avec les siens, une
restauration identitaire et la constitution d’un leg significatif. La
pratique de la narrativité dans un contexte porteur permet une relecture
désirée de la vie passée et des interactions vécues avec les autres.
Elle ouvre un espace de confirmation identitaire riche des
rencontres, de découvertes, de liens nouveaux et la constitution d’une
famille élargie peuplée de visages de soignants et de bénévoles devenus
significatifs. L’identité se reconstruit, plus riche, plus vraie.
Cet
espace palliatif, qui dure de quelques mois à quelques jours, ouvre
aussi un espace d’adaptation aux proches avant le départ de l’être aimé.
C’est une période précieuse, un creuset d’humanité où chacun découvre
autrement le poids des gestes et des mots, la force de la fraternité, la
vraie notion de l’amour qui s’étend d’âge en âge. C’est cet espace
qu’il convient de protéger en offrant à tous ceux qui le veulent des
soins
palliatifs de qualité. C’est aussi l’espace qui est sacrifié quand on
choisit une mort prématurée. Nous devons donc assurer collectivement les
conditions requises pour qu’un espace palliatif soit offert à tous ceux
qui font ce choix.