Par Maxime Huot Couture, directeur adjoint de Vivre dans la Dignité, politologue, candidat au doctorat en philosophie éthique et politique

Il est toujours bon de réexplorer les notions qui structurent notre société et notre relation aux autres. Un des pivots de notre discours éthique actuel est le concept de dignité humaine. Malgré cela, on remarquera facilement que ce concept peut recevoir des significations multiples, parfois contradictoires.

Il est possible de distinguer deux sens principaux rattachés aujourd’hui à la dignité humaine. On parle d’abord de dignité en un sens objectif lorsqu’on affirme que, peu importe sa condition physique ou psychologique, une personne est toujours digne, par le simple fait d’être une personne humaine. C’est la dignité dite « intrinsèque ». D’autre part, on parle de dignité subjective lorsqu’on fait référence au sentiment qu’une personne a de sa dignité. Le sentiment de dignité ou d’indignité est alors dépendant de la situation dans laquelle se trouve la personne et du regard et des actions des autres envers elle. Bien sûr, même dans ce cas, une personne ne perd jamais sa dignité objective qui est un principe universel, indépendant du contexte particulier.

Mais qu’est-ce que la dignité exactement et d’où vient-elle? Le philosophe de l’époque des Lumières Emmanuel Kant en a donné une définition célèbre : Une personne est digne, car elle existe comme une fin en elle-même, et non pas simplement comme un moyen dont on pourrait user à son gré. La dignité humaine implique donc la révérence, le respect et la protection envers chaque personne, comme un être libre et doté d’une existence toujours unique. C’est ce que reconnaît par exemple la Charte universelle des droits de l’homme lorsqu’elle affirme que toute personne possède des droits du seul fait de son humanité. C’est pourquoi l’expression « mourir dans la dignité » est trompeuse: elle sous-entend qu’une personne puisse perdre sa dignité avec la maladie ou la vulnérabilité.

La dignité humaine est fondée sur la valeur supérieure de l’être humain, doué de raison. On appelle conscience ce souci proprement humain de bien agir en toute connaissance de cause. Bien que la dignité soit liée avant tout à cette liberté due à l’intelligence humaine, être humain, c’est aussi avoir une volonté, des sentiments, un corps. C’est être tout cela à la fois (un individu est « indivisible »). La dignité humaine suppose une vision intégrale de la personne. C’est pourquoi une personne dont les facultés mentales sont affaiblies possède également une dignité humaine, et de même pour une personne souffrant d’un handicap physique. De la même façon, une personne qui perd la mémoire demeure digne, puisqu’elle existe encore comme un être humain, avec un corps, une personnalité et une histoire bien à elle. Mettre fin aux jours de quelqu’un sous prétexte de respecter « sa volonté » est donc une erreur et une atteinte à la dignité : on ne peut aller à l’encontre de la dignité du corps pour honorer la dignité de la volonté. Il y a là quelque chose de contradictoire qui met en danger la vision intégrale et civilisée de la dignité.