Et après le procès Cadotte? Inaptitude et directives anticipées

Deux ans moins un jour. C’est la sentence que devra purger Michel Cadotte, reconnu coupable en février dernier d’homicide involontaire pour avoir étouffé sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer.

L’homme de 57 ans avait voulu « mettre fin aux souffrances » de sa conjointe, qui résidait dans un CHSLD. Accusé de meurtre au deuxième degré, le jury avait plutôt opté pour l’homicide involontaire, acceptant l’argument de la défense selon lequel Cadotte n’était pas « dans un état d’esprit stable ».

Meurtre « par compassion »

Ce verdict d’homicide involontaire semble en cacher un autre, véhiculé dans les médias, soit celui de « meurtre par compassion ». Or cet oxymore est un concept qui n’existe pas dans le droit criminel. Dans un tel contexte, comment protéger complètement les personnes les plus vulnérables de notre société si nous amoindrissons les peines d’homicide dont elles sont victimes?

Ceci est d’autant plus inquiétant que chaque sursaut médiatique de cette affaire a été l’occasion pour beaucoup de faire la promotion d’un élargissement de l’ « aide médicale à mourir » aux personnes inaptes, notamment celles atteintes de la maladie d’Alzheimer. Bien qu’elles ne seront plus en mesure de donner un « consentement éclairé » à ce moment, des directives anticipées pourraient permettre de prévoir à l’avance leur euthanasie.

Euthanasie et directives anticipées

Attention : il ne s’agit pas ici des directives anticipées déjà légales au Québec, qui permettent de consentir ou non à l’avance à certains traitements médicaux en cas d’inaptitude. Ce qui est en cause ici, c’est la possibilité d’autoriser une tierce personne à donner la mort à une personne inapte, même si sa vie n’est pas maintenue de façon artificielle.

Sans doute, cette mesure peut mener à des situations horribles, comme le cas d’une femme souffrant de démence ayant été euthanasiée de force aux Pays-Bas malgré ses protestations vigoureuses. Cette femme, pour ainsi dire, était prisonnière d’une directive anticipée, signée quand elle était bien portante, pour autoriser un médecin à l’euthanasier au « bon moment ». Son refus, une fois le « bon moment » arrivé – et exprimé clairement par des paroles et des gestes – était-il vraiment moins « éclairé » que le consentement donné des années d’avance sans possibilité de connaître son état futur physique, émotionnel et social?

Car le problème est aussi là : une directive anticipée est le choix d’une personne bien-portante, qui ne peut tolérer une souffrance hypothétique par rapport à sa condition actuelle. Or, la volonté humaine est certainement dépendante de circonstances présentes et la raison ne peut prévoir toutes les dimensions futures d’une vie.

Dans les faits, les personnes démentes ou atteintes d’Alzheimer ne sont pas en fin de vie et leur souffrance est souvent une projection de la souffrance de leurs proches bien-portants qui ne reçoivent pas l’aide suffisante pour faire face à la maladie de leur père, de leur mère, de leur conjoint, etc. C’est d’ailleurs ce qu’avait avoué M. Cadotte à la suite de son arrestation : « Personne ne me demandait comment ça allait ».

L’imminent danger des abus

Plutôt que de voir en ces situations une occasion d’améliorer le soutien aux personnes inaptes et à leurs proches aidants, et donc une occasion de véritable compassion, la nouvelle pensée euthanasique en vient à n’envisager que la mort comme solution adéquate, plus facile et moins coûteuse.

Le message envoyé est tristement fort : les personnes inaptes sont moins dignes, leur vie ne vaut plus la peine d’être respectée ni prise en charge. Alors qu’on peut s’attendre à une augmentation des cas de démence et d’Alzheimer au cours des prochaines décennies, ce discours est très inquiétant, car un élargissement de l’ « aide médicale à mourir » mènera irrémédiablement à une augmentation déjà constatée du nombre de cas de maltraitance des personnes âgées.

Prenons également l’exemple de la Belgique, ayant légalisé l’euthanasie des personnes inaptes par directives anticipées, où une personne a été mise à mort sans son consentement, sur simple demande de la famille. Ce genre d’abus est demeuré si souvent impuni que cette situation a provoqué la démission d’un médecin spécialiste et membre de la Commission de surveillance belge, pourtant pro-euthanasie.

L’inévitable pente glissante

Ce genre d’abus n’est pourtant pas étonnant, étant donné l’idée sous-jacente que véhicule toute légalisation de l’euthanasie : une vie humaine diminuée ne vaut plus la peine d’être vécue. Lorsque la dignité s’arrête aux portes de la maladie, voire même de la simple détresse, alors la compassion s’effrite nécessairement et les efforts nécessaires ne sont plus déployés pour soutenir les plus faibles.

C’est une tendance qu’il faut à tout prix inverser.

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