Projet de loi 11 – Appel aux parlementaires québécois

Quatre raisons de s’opposer respectueusement au projet de loi 11

Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives

Montréal, Québec, le 2 juin 2023 – Le 5 juin 2014, l’Assemblée nationale du Québec adoptait le projet de loi 52, « loi concernant les soins de fin de vie ». À l’époque, 22 députés se sont opposés à cette ouverture à l’aide médicale à mourir. Neuf ans plus tard, les parlementaires québécois s’apprêtent à voter sur de nombreux élargissements de l’accès à l’aide médicale à mourir. Le réseau citoyen Vivre dans la Dignité et de nombreux observateurs ne s’illusionnent pas sur les résultats à venir, mais une grande question demeure. Combien de députés se lèveront au salon Bleu pour s’opposer à l’un ou l’autre des élargissements proposés? Nous ne pouvons imaginer un vote unanime sur un sujet aux enjeux éthiques d’une telle ampleur. Nous sommes heureux que le gouvernement ait annoncé que ses députés pourront voter librement et nous assumons que tous les partis d’opposition feront le même choix. Alors que le vote pourrait avoir lieu rapidement (au plus tard le 9 juin prochain, fin de session parlementaire), voici quatre raisons de s’opposer à l’adoption du projet de loi 11, tel qu’amendé lors des travaux de la Commission des relations avec les citoyens.


1 – Déficiences physiques graves : balises insuffisantes pour éviter les dérives

Comme l’exprime brillamment M. Pier-Luc Turcotte, un membre du groupe d’experts sur la notion de handicap neuromoteur qui n’appuie pas les conclusions du rapport final (lettre ouverte publiée le 1er juin par Le Devoir et Noovo) : « L’élargissement de l’aide médicale à mourir pour les personnes ayant unedéficience physique ouvre la porte à des dérives importantes, avec très peu de balises solides pour les prévenir. » Nous sommes heureux de cosigner cette lettre Se dépêcher à faire mourir avant de faire vivre avec M. Turcotte, professeur adjoint à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa et ergothérapeute, et 17 autres ressources. Le contenu de la tribune devrait à lui seul faire hésiter à appuyer le projet de loi 11. Nous rappelons le documentaire du Fifth Estate (CBC) qui documente les nombreux cas de dérives au Canada anglais: Le fouillis de l’AMM (The Mess that is MAiD). Le projet de loi 11 n’empêchera pas de telles dérives. Il faut privilégier l’aide médicale à vivre!

2 – Aide médicale à mourir possible dans les cas de « démence heureuse », allant contre le consensus de la commission spéciale et du groupe d’experts

 

Les propos du Dr François Evoy, invité à témoigner en commission parlementaire le 20 avril dernier par la ministre Sonia Bélanger, responsable de la loi, nous font craindre cet élargissement (voir vidéo de 1m30s). Le critère de souffrance contemporaine demeure dans le projet de loi 11, mais on comprend que le législateur semble maintenant accepter l’idée
qu’une « démence heureuse » puisse cacher des souffrances psychiques. Ainsi, la personne qui a signé une demande anticipée en précisant vouloir recevoir l’AMM même en cas de « démence heureuse » pourrait l’obtenir. 
Il y a pourtant une vive opposition à cette idée au sein de nombreux mémoires présentés lors des consultations PL11, pendant le travail de la Commission spéciale sur l’évolution de la loi sur les soins de fin de vie (2021) et par le Groupe d’experts sur la question de l’inaptitude et l’aide médicale à mourir (2019). Depuis les propos du Dr Evoy, la Commission des relations avec les citoyens n’a ajouté aucune balise suffisante pour décourager l’aide médicale à mourir dans les cas de « démence heureuse ». Ajoutons qu’il n’y a pas d’encadrement acceptable des manifestations cliniques pour recevoir l’AMM par demande anticipée. Plusieurs enjeux, y compris la sédation de personnes inaptes avant l’AMM (dont nous parlons dans notre mémoire), sont repoussés jusqu’à la rédaction d’un éventuel guide pratique.


 

3 – Un traitement profondément injuste des maisons de soins palliatifs, particulièrement celles ne souhaitant pas offrir l’AMM


Dès le départ, nous avons dénoncé le fait d’obliger des maisons de soins palliatifs à offrir l’aide médicale à mourir. Nous étions fortement ébranlés lorsqu’un nouvel amendement proposé par Mme Sonia Bélanger, ministre déléguée à la Santé
et aux Aînés, est venu durcir le projet de loi envers les maisons de soins palliatifs : « Elle (une maison de soins palliatifs) ne peut refuser de recevoir une personne pour le seul motif que cette dernière a formuIé une demande d’aide médicale à mourir. » Ce choix du gouvernement va diamétralement à l’encontre des souhaits exprimés par lAlliance des maisons de soins palliatifs du Québec lors des consultations publiques et s’immisce dans les critères d’admission. En ajoutant mercredi soir un délai ridiculement court (6 mois !) aux maisons ne souhaitant pas offrir l’aide médicale à mourir (elles ne sont que 4), le projet de loi 11 cible injustement des milieux de vie dont la mission est d’offrir des soins palliatifs de qualité à leur communauté, en respectant la culture palliative choisie librement.

 

4 – Élargissement de dernière minute – De nouveaux lieux où recevoir l’AMM : de nouveaux problèmes

 

La nouvelle de l’AMM clés en main offerte par un complexe funéraire a fait la manchette locale dans Le Canada français
(le 27 avril), une entrevue à l’émission le 15-18 d’ICI Première (le 4 mai), mais il a fallu attendre une publication dans la Presse (le 19 mai) pour assister à une marée de réactions d’incrédulité. Après avoir exprimé son malaise, la ministre Bélanger a décidé d’accommoder les personnes désireuses de recevoir l’AMM dans des lieux autres que des établissements de santé, des maisons de soins palliatifs ou leur domicile. Elle a proposé un amendement voulant interdire la promotion et la commercialisation de l’offre d’AMM. Malgré une volonté sincère d’éviter les dérives, de nouvelles problématiques sont à
prévoir.


Trois exemples :


-Des complexes funéraires pourront être tentés de gonfler le prix d’autres services afin d’offrir gratuitement une location de salle pour l’AMM;


-Comme il n’y a pas de droit au refus inclus dans la loi, les propriétaires d’auberges, de campings, de chalets, les administrations gérant des parcs publics et tant d’autres gestionnaires qui exprimeront leur désaccord devront porter l’odieux d’un éventuel refus;


– Comme l’a exprimé le député Joël Arseneau lors de l’étude détaillée du projet de loi, la disponibilité de ces nouveaux lieux risque de rendre l’aide médicale à mourir plus attirante, tout en la banalisant davantage.

 

Si seulement autant d’efforts et de ressources étaient déployés pour multiplier l’offre d’accès aux soins palliatifs – dans le lieu de son choix, y compris le domicile – partout au Québec!

 

Une seule de ces raisons suffit
pour s’opposer au projet de loi 11.


Bon discernement à tous les parlementaires québécois.

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Contact médias:

Jasmin Lemieux-Lefebvre
Coordonnateur
Réseau citoyen Vivre dans la Dignité
directionVDD@gmail.com
438 931-1233

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